Plusieurs arguments plaident en faveur de la très grande ancienneté de ces contes :
Les animaux, voire parfois les plantes : y ont souvent la parole, ce qui renvoie à une très ancienne culture, probablement néolithique, où tout être était considéré comme ayant un esprit, et pouvant donc à ce titre s'exprimer par le verbe. Certains thèmes se retrouvent d'ailleurs dans les contes européens.
On y retrouve parfois des animaux qui n'existent plus depuis longtemps en Afrique du Nord. Ainsi, si le lion a disparu relativement récemment, on trouve parfois mention du tigre, qui lui a disparu depuis l'antiquité.
Lorsque sont mis en scène les humains, l'autorité du chef est le plus souvent remise en cause. La femme est souvent mise en valeur pour son intelligence, et se montre capable de résoudre des situations que les hommes ne peuvent vaincre. Ceci renvoie à l'ancienne culture amazighe, où la femme est considérée comme l'égale de l'homme, et où un chef peut être remis en cause s'il n'est pas compétent.
Souvent des enfants se retrouvent confrontés à des situations qu'un adulte ne pourrait résoudre, mais ils s'en tirent avec succès. C'est souvent un père, indigne ou influencé par une femme mauvaise qui va provoquer cette situation. Alors le jeune garçon doit se montrer digne d'être un homme dans des épreuves redoutables qui effraieraient tout adulte.
De même, le plus souvent prisonnière, la jeune fille y est souvent symboliquement "libérée" donc devenant femme, apte à trouver un époux. On peut penser que le l'origine des contes remonte à la préhistoire. Il s'agit sans doute d'une traduction symbolique des rituels de passages de l'enfant à l'adulte, qui sont très anciens.
Les contes des Imazighen ont pourtant subi diverses influences. Comme toujours, la culture amazighe a su intégrer divers emprunts.
On trouve quelques contes qui mettent en scène Noé ou Salomon, et qui indique une influence de la religion juive. D'autres contes se moquent ouvertement des juifs, qui sont qualifiés de fourbes, et de voleurs. Cependant, il convient de relativiser : on sait qu'en Afrique du Nord, les juifs usaient des mêmes contes pour se moquer....des Imazighen, en changeant les personnages. Il ne s'agit donc pas d'antisémitisme, mais de rivalités plutôt goguenardes entre communautés...
Certains contes en appelle au Prophète, au Taleb (Sage ou étudiant en religion, en Islam) et au Djinn, ce qui signifie qu'ils ont été adaptés avec l'islamisation(les influences israëlites, pré-islamique).
Il est d'ailleurs assez facile de montrer que les contes arabes ont largement emprunté aux contes imazighen. Ainsi, quand Ali Baba découvre un trésor et demande à son frère riche une mesure pour mesurer les pièces d'or, sa belle sœur fait enduire le récipient de poix et récupère une pièce d'or. (© publié par Tamurth.net)On retrouve exactement la même scène dans un conte kabyle et dans un conte amazigh marocain. La seule différence, c'est que les opposants ne sont pas des voleurs mais des ogres, êtres surnaturels très présents dans les contes des Imazighen... On pourrait multiplier les exemples de ces emprunts qui montrent qu'en fait les Arabes se sont largement inspirés des Imazighen.
Certaines moqueries à l'égard du Pacha rappellent comment les Imazighen tinrent têtes à l'empire turc.
Enfin, la mise en scène, assez rare, du coq, emblème de la France présenté comme stupide, où le ridicule du maître d'école sont sans équivoque des réponses ironiques de la sagesse populaire à la colonisation, même si elles s'inspirent sans doute de contes plus anciens.
Entre très grande ancienneté et souvenir de l'histoire récente, les contes font donc partie de la mémoire des Imazighen.